dimanche 4 mars 2007

Le Saint Amour, Biarritz, dîner du Mercredi 21 Février 2007

A force de ne jamais manger à la maison, quand on est en vacances, on finit par ressentir un indéfinissable écoeurement à l'idée même de manger des plats préparés par quelqu'un d'autre que soi. Il ne s'agit pas tant d'un manque de talent de la part des cuisiniers -quoique trouver un bon restaurant en voyage puisse parfois tenir du pari impossible- mais plutôt d'un ras-le-bol qui vous saisit de tapisser midi et soir vos papilles du goût "restaurant". Je ne sais pas, cela tient peut-être à la nature des produits utilisés, ou des additifs éventuels, des épices, voire, il faut bien le dire, des sachets de sauce que l'on devine parfois derrière telle saveur un peu chimique.
Mais il y a peut-être autre chose : au bout d'un moment, on en a plein la bouche des machins surélaborés, travaillés, on a envie d'un goût basique, simple, un goût de popotte, de tambouille, un goût maison, en somme. Au sens de ce qu'on prépare le soir quand on a la flemme et qu'on a envie d'un truc chaud, réconfortant, facile à préparer.
D'une manière générale, Patoumi et moi préférons la cuisine ménage, le mijoté dans la casserole culottée, ou le bon produit simplement accommodé. Ce qui est, somme toute, pas si facile à trouver au restaurant. Alors parfois, au bout de quelques jours de vacances, G. et Patoumi en ont ras-le-bol, et ils se mettent à fantasmer très très fort... une saucisse-purée.
C'est ainsi que nous sommes arrivés un jour de détresse des papilles de l'an 2006, au Saint Amour. Car, croyez le ou pas, ce jour là, les dieux étaient avec nous, et notre rêve inespéré de saucisse purée se réalisa. Mais si.
On concevra aisément qu'à partir d'un voeu aussi improbable ainsi exaucé, nous avons gardé une certaine tendresse pour le Saint Amour. La première fois, après cette saucisse lyonnaise délectable (oui, c'est un restaurant lyonnais) et sa purée épaisse et onctueuse, nous avions dégusté des profiteroles.
Cette fois donc, un an plus tard, nous revoilà dans le même petit bistrot nickel aux murs décorés d'affiches d'expos parisiennes de peinture. Nous sommes dans la première salle -il y en a une deuxième en contrebas sur l'arrière qui semble destinée à des tablées moins intimes que celle qui nous est proposée. Goût du risque oblige, nous choisissons la même table que l'an passé, à côté d'une affiche de David Hamilton disons... discutable. La salle est clairsemée et la clientèle pour le moins variée, nous voilà bien au chaud dans ce petit coin tranquille et familier. Au milieu de la salle, un comptoir de bar derrière lequel des étagères de bois sombres supportent bouteilles de vins et verres à pied ; au zinc, Dominique et Jean-Pierre Sattin s'activent calmement mais efficacement pour le service.
L'incontournable ardoise nous mène à ne choisir que des entrées : cette fois, nous nous passerons de saucisse, de boudin ou d'andouille.

Nous avons tout partagé, soit les quatre entrées servies deux par deux et le dessert ; au moment où Mme Sattin déposait les plats sur la table, un coup d'oeil gourmand de notre part a suffi à lui faire saisir que nous allions partager ces petits plats, et son oeil tranquille s'est éclairé silencieusement d'un air de complicité à notre gourmandise. Patoumi et moi, bien que fins mangeurs, ne sommes pas de gros mangeurs au restaurant : en général, nous partageons entrée et dessert et choisissons chacun un plat. La dernière fois que nous avons succombé à la tentation de l'entrée-plat-dessert intégral, nous nous sommes débattus dans une lourde et douloureuse torpeur pendant près de quarante-huit heures au terme desquelles nous nous sommes dit : jamais plus. Depuis cette saine résolution, l'amabilité et la courtoisie raffinée de certains restaurateurs nous ont parfois réservé des coups d'oeil assassins qui disaient presque tout haut combien ces rustres en avaient mal à la bourse. D'où notre plaisir de constater que Mme Sattin saisit ce qu'est un dîner en amoureux, et ce que signifie manger selon sa faim.

Pour commencer, oeuf cocotte au jambon cru et aux cèpes. L'oeuf cocotte est un exercice périlleux : trop cru il est gluant, trop cuit il est desséché. La cuisson du jeune chef Lionel Elisalde est habile : proche de la texture de l'oeuf à la coque, le jaune est bien coulant, ce qui ravit Patoumi, amatrice de tels plaisirs. Pour ma part, j'aurais bien vu un blanc un tout petit peu plus cuit, ce qui aurait tiré l'ensemble vers un peu plus de fermeté que les cèpes, par nature, ne peuvent véritablement apporter (ils sont ici délicieux néanmoins), mais qui vient quand même par le jambon cru qui relève l'ensemble. Nous nous régalons des mouillettes bien croustillantes, et je laisse la roquette qui escorte le pot Le Parfait, à ma douce Patoumi.

La cassolette de joues de porc aux pommes de terre nouvelles est parfaite. Sautées à l'ail, pas grasses du tout, l'ail est bien fondu, je dirais qu'une pointe de vinaigre de vin a du pleuvoir en bruine pendant la cuisson, les petites rattes dans leur peau ont la fermeté qu'il faut. C'est excellent, rien à redire.

J'ai arrosé mon repas de deux verres de Saint-Amour. On va dire que c'est un p'tit vin qui s' boit bien. Il a su être un bon compagnon pour le repas, sans plus, sans moins.

La cassolette de gambas et fonds d'artichauts est également parfaite, bien sautée, saveurs simples, gambas très bien cuites, encore une pointe d'ail et d'herbes pour relever. L'accord entre la gambas et l'artichaut est inédit pour moi, et je gage que nos petites mains vont s'empresser de le reproduire une fois rentrés à la maison. Excellent.

Enfin la troisième cassolette fut de chipirons aux piments. Ferme et bien piquant, simplement pimenté, sans artifices superflus, c'est également irréprochable.

Honte sur moi, je n'ai aucun souvenir des toilettes, si ce n'est qu'elles sont propres. On pouvait s'y attendre.

Pour finir, apothéose. La panna cotta à l'orange. Vous me direz, rien de bien compliqué. Non, rien de bien compliqué d'une manière générale dans la cuisine du Saint-Amour, de prime abord. Mais il ne suffit pas de mettre des joues de porc ou des gambas dans une poêle pour faire ce que nous avons mangé, de même qu'il ne suffit pas d'additionner de la gélatine à de la crème pour faire une bonne panna cotta. Ici on devine que le chef a ses petits trucs à lui qui donnent à la simplicité de chaque plat une saveur parfaite, et surtout il maîtrise parfaitement les cuissons, talent qui fait défaut à bon nombre de chefs de restaurants dits gastronomiques.

Alors quel est le secret de cette panna cotta ? La base est une crème cuite simple à la juste consistance, servie dans une verrine, couverte, -voilà le secret- d'un confit d'écorce d'orange sur lequel fond un coulis de chocolat. C'est l'accord crème-orange-chocolat qui est renversant : l'accord chocolat-confit d'écorce est un parfait équilibre où le sucré et l'amertume s'équilibrent sans que l'un dominent l'autre (défaut qui souvent me fait me méfier de ces deux-là ensemble), la fermeté de la crème et les petits morceaux d'orange compensent le moelleux coulant du confit et du coulis. Patoumi et moi avons donc plongé avec délices nos cuillères au fond de la verrine pour récolter les trois couches de ce dessert simple et subtil.

Je mets un 15 à ce repas, soit une très bonne note. Après ce repas, Patoumi et G. ont simplement descendu la rue, et, tournant à gauche jusqu'au Port vieux, sont allés contempler la mer déchainée fouetter les rochers déchiquetés à la lueur de la lune.

Le Saint Amour, 26 rue Gambetta, 64200 Biarritz, 05 59 24 19 64

Posté par G.

1 commentaires:

Blogger Gracianne a dit...

G. je viens seulement de decouvrir que tu ecrivais aussi. Decidement vous formez un couple de gourmands extraordinaire. Ta description de la panna cotta est une des meilleures que j'ai jamais lues, elle me donne envie d'aller en preparer une tout de suite. Vous nous la faites quand?

6 mars 2007 à 11:07  

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