mardi 8 mai 2007

Le coup du saké, un dîner chez Mizuna

Un certain samedi matin, sur le chemin du marché (avec mon nouveau cabas, j'étais contente), nous nous sommes arrêtés chez Yotsuya, une boutique japonaise près de la place du Champ Jacquet. Le propriétaire de ce magasin m'apparaissait il y a encore quelques temps comme un vieux Japonais bougon, avare de sourires et de mots gentils mais vendant de la si jolie vaisselle que je m'étais résolue à ce visage cadenassé et à sa courtoisie aride. Mais, à force de lui acheter des petits bols, des assiettes, de l'encens, des maneki neko et tout simplement à force de traîner dans sa petite boutique juste pour le plaisir, il s'est miraculeusement déridé. En fait, il sait sourire. Et même rire. Tous ces progrès m'ont encouragée à entamer la conversation l'avant dernière fois où nous y sommes allés pour acheter un de ces petits chats porte-bonheur pour l'anniversaire de mon papa (c'est un tout petit cadeau mais il l'a beaucoup amusé, j'étais contente), je lui ai demandé s'il savait où je pourrais trouver du matcha à Rennes (oui voyez-vous, j'ai cherché un peu partout et je suis un peu frustrée de ne pas, moi aussi, faire des madeleines au matcha, du cheesecake au matcha, de la pannacotta au matcha, que sais-je...) Il a répondu par un énigmatique sourire et est allé faire coulisser la porte d'une petite étagère. Il en a sorti une sorte de moulin à café qui en fait s'est révélé être un moulin à thé: il m'a expliqué avec un plaisir et une malice non dissimulés que ce petit moulin permettait, après cinquante tours, d'obtenir une fine poudre de thé vert à partir de feuilles de thé classiques et que cet instrument lui avait changé la vie et que de toute façon le matcha qu'on achète en France n'est pas du bon matcha, à moins d'y mettre le prix (tout au long de son discours, j'ai pris pour la première fois conscience des traits de son visage et loin du visage renfermé de mon souvenir, je découvre une physionomie agréable, souriante, malicieuse). Ce moulin est un peu cher mais il dure éternellement me dit-il et il est vite rentabilisé quand on sait le prix du matcha. Je lui demande alors s'il sait où trouver le petit "blaireau" en bambou que les Japonais utilisent pour fouetter leur matcha ce à quoi il me répond qu'il suffit de mettre la poudre et l'eau dans une bouteille et de bien agiter. Hum hum... Je n'ai pas acheté son petit moulin (joli en plus de toutes ces qualités) mais je n'y ai pas non plus complètement renoncé...

Mais ce samedi-là, nous n'avons pas discuté avec le propriétaire de Yotsuya; nous y sommes juste passés comme pour avoir un petit agrément supplémentaire avant d'aller au marché, mais, alors que nous nous apprêtons à partir, je remarque sur la porte une carte postale qui annonce qu'un nouveau restaurant japonais s'est installé à Rennes. Jusqu'ici, nous étions fidèles au Fuji où les dames sont si gentilles, le poisson si frais et la glace au thé vert si douce et voluptueuse, mais si les voyages forment la jeunesse, les restaurants forment aussi les papilles et nous étions ravis d'en avoir un nouveau à essayer (en fait, il y a quelques mois un autre resataurant japonais a ouvert rue Vasselot et nous y sommes allés plein d'entrain sauf que nous avons vite déchanté: si le cadre est très joli, l'endroit n'a de japonais que l'enseigne, le cuisinier ne sait visiblement pas faire des sashimis ni même acheter du poisson frais au vu des piteux lambeaux de saumon fluo qui surmontait un riz de fort mauvaise qualité). Nous avons ainsi décidé d'aller à Mizuna le soir-même et nous avons réservé une table pour vingt-et-une heure trente, un quart d'heure après la fin du film dont je rappelais l'existence chaque jour à G. tant mon envie de le voir était grande. Finalement, sa réticence s'est justifiée, c'était juste nul, ma voisine a ronflé et G. a eu la gentillesse de ne pas soupirer toutes les cinq minutes (preuve habituelle de son ennui) jusqu'à ce que moi-même me révolte devant tant d'invraisemblances et de méconnaissance de l'érotomanie et des soins qu'on peut y apporter. Entre deux scènes grotesques, G. chuchotait: "Heureusement qu'on va bien manger après!". C'est vous dire l'enthousiasme que nous développions quant à ce repas chez Mizuna.
L'endroit est charmant. Avant, il y avait un restaurant russe à cet emplacement, nous avons voulu y aller à plusieurs reprises mais il a souffert de notre velléité. L'espace est tout petit, il y a dix tables à peine et une en terrasse. La lumière est feutrée, les tons sont doux. Les luminaires sont jolis. Le menu est inscrit sur une ardoise. Les toilettes sont extrêment propres, petit rideau japonisant et photo de là-bas au-dessus du lavabo. Derrière nous une table de profs évoque les dérives sarkozystes sans savoir encore comment les choses vont malheureusement se concrétiser.
Le serveur est un grand garçon que nous soupçonnons avoir vendu des jeans ou des chaussures dans une vie antérieure (en fait, je suis persuadée de l'avoir déjà vu quelque part, mais où?) Il nous accueille en lançant gentiment: "Vous allez bien?" ce qui est un peu déroutant vu qu'on ne se connait pas (ou alors il nous a vraiment vendu un jean ou des chaussures ou bien on l'a croisé à l'hôpital mais renseignement pris, il se trouve que non).
Par la petite ouverture qui sépare la salle des cuisines, j'aperçois le profil concentré de la cuisinière, une jeune femme asiatique dont la physionomie ne permet pas précisément de deviner son pays exact d'origine (d'autant que l'exercice est souvent difficile: les gens pensent parfois que je suis japonaise ou vietnamienne ou thaïlandaise -vous remarquerez que ce n'est pas très cohérent- alors qu'en fait pas du tout mais est-ce vraiment important?) Elle est toute seule en cuisine ce qui explique la petite attente entre chaque plat mais elle est toute pardonnée, cela doit être épuisant.
Nous choisissons de goûter en entrée des kolokés décrits comme des croquettes de pomme de terre farcies de viande et de légumes. Nous voyons ainsi arriver deux croquettes sphériques, toutes dorées de chapelure, avec un peu de mayonnaise à la ciboulette. Elles sont visiblement fraîchement préparées, fumantes. Le serveur demande innocemment si nous voulons des couverts en lieu et place des baguettes élégamment disposées sur des petits galets et cette question me paraît quelque peu incongrue vue ma physionomie à moi mais bon, on va dire que c'était par politesse. Autre bizarrerie de ce néanmoins gentil garçon, alors que G. s'étonne de la température du saké que nous avons commandé (le breuvage est froid), le serveur répond avec aplomb que le saké ne se boit chaud qu'en Chine mais pas au Japon, ce qui n'est pas tout à fait exact (nous nous en doutions un peu mais nous avons vérifié en rentrant) mais bon, il propose de le réchauffer et garde le sourire.
Les croquettes dorée et fumantes donc. Nous les rompons d'un coup de baguette et nous découvrons une farce de légumes et de viande hachée. La texture est agréable, c'est bien chaud mais le goût n'est pas très prononcé, on dirait un peu des croquettes de hachis parmentier mais ce n'est pas non plus désagréable, disons que ça n'a pas beaucoup d'intérêt.
Les plats. Nous en choisissons deux que nous partageons. D'une part du Buta No Kaku Ni, d'autre part du Kara Agué. Les deux sont servis avec un riz (très bien) et une salade de mizuna et d'aubergine (très rafraîchissante).
Le premier plat, présenté comme une potée japonaise (et qui a vraisemblablement remporté un franc succès ce soir-là puisque nous en avons eu la dernière portion) consiste en de tendres morceaux de poitrine de porc caramélisés accompagnés de tranches de radis noir tout aussi caramélisé, le tout entouré d'un bouillon au mirin, ce vin doux sucré et légèrement acidulé. C'est très bien fait, c'est très bon (même si ce n'est pas très chaud, mais j'avoue que je suis un peu maniaque avec la température des plats au restaurant. En fait, quand ils sont servis dans des assiettes bien chaudes, je ne me sens pas pressée de les finir avant qu'ils ne refroidissent, c'est plus agréable. Je sais, je suis un peu pénible à vivre...).
Le second plat est très classique mais très réussi, il s'agit de morceaux de poulet entourés d'une friture très légère, avec du sésame noir de-ci de-là et surmontés d'une petite salade de graines germées. La sauce acidulée va fort bien avec le tout. G. a beaucoup aimé. Les profs de derrière ont choisi un assortiment de sushis et l'assiette est fort appétissante.
En dessert, ma jalousie est mise à rude épreuve (oui, en plus d'être maniaque quant aux assiettes chaudes, je suis jalouse pour un rien, mais je me soigne. Je précise que la cuisinière est venue faire un tour en salle et qu'elle est très jolie) puisque nous choisissons un cheesecake à la vanille que j'aurais voulu faire. La texture est divinement crémeuse et le dessus est caramélisé comme les crèmes brûlées, c'est délicieux. Il est accompagné d'une compotée de fraises très goûteuse qui se mariait très bien avec le parfum de la vanille. Les autres douceurs du menu faisaient toutes envie: du pudding de mangue, de la glace matcha/jasmin, du gâteau d'azukis...
Le temps passe vite à Mizuna. Nous en sortons ravis, c'est très mignon, assez ludique et les papilles sont en fêtes même si certains plats manquent un peu de caractère (mais ils n'avaient ouverts que deux jours auparavant alors il s'agit peut-être d'une période de rôdage). Nous continuerons sûrement d'aller au Fuji pour leur sushis, leur tokoyakis, leur prévenance et leur sourire mais nous irons aussi certainement de temps en temps à Mizuna, ne serait-ce que pour le cheesecake!

Mizuna: 3 rue d'Argentré 0299791866
Le Fuji: 4 rue Derval 0299381200
Yotsuya: 16 rue du Champ Jacquet 0299790450

Posté par Patoumi

mercredi 11 avril 2007

Le Boudoir, Rennes, déjeuner du Mercredi 11 Avril 2007

Après un détour par la poste, afin d'envoyer une petite attention à une amie de Patoumi amatrice de petits souliers et acheter quelques jolis timbres, nous nous sommes dirigés vers les magasins de chaussures de la rue de l'Horloge, pour moi cette fois-ci. Désespérant de jamais trouver chaussure à mon pied pour l'été qui s'annonce, je n'attendais pas grand chose de cette escapade, espérant n'y pas trop user mes baskets dont je craignais fort qu'ils ne soient pas remplacés avant la prochaine année bissextile. Une escale à La Galerie a eu raison de mes craintes, si bien que j'en suis ressorti avec, non pas une, mais deux paires de chaussures. Pour fêter cet évènement aussi dérisoire qu'inattendu -l'esprit de l'amie de Patoumi nous avait-il accompagné dans ce moment, je ne sais- ainsi que pour profiter encore du doux soleil qui éclairait notre balade, Patoumi suggéra que nous pourrions en profiter pour déjeuner sous cette jolie lumière printanière.
Après un petit détour par le Nabuchodonosor (où de petits verres de vins accompagnés de planchettes de charcuterie ou de fromage savent bien accompagner nos fins d'après midi hivernaux, lorsque nos mains sont chargées de poches pleines de livres), qui ce jour là ne proposait que porte close, nous décidâmes de traverser la Vilaine vers les ruelles du sud, avec en tête un déjeuner en terrasse. Nous avons une petite adresse par là-bas pour les déjeuners des beaux jours, Le Boudoir. Il offrait justement ce midi-là une belle terrasse lumineuse.
Pour ma part, j'ai déjeuné d'un crumble de courgettes, au chèvre et à la menthe. La dominante est sur le chèvre et la courgette, délicieusement effrité et légèrement fondu parmi de petits cubes de courgettes fraîche, mélée à de petits éclats de crumble doré ; la menthe y sait se faire discrète. Pour l'accompagner, une salade mélangée de petites pousses surmontée d'un brin de ciboulette bien verte et d'une tomate séchée. Patoumi, pour sa part, s'est régalée d'un gratin d'aubergines, thon, tomate et mozzarella : ce sont les saveurs du sud qui priment, l'huile d'olive, la tomate confite, la mozzarella fondante ; le thon passe bien, mêlé à la tomate, équilibré par les courgettes et les aubergines, même pour Patoumi qui n'est pas grande amatrice de thon cuit.
Rassasiés sans excès, réchauffés par les rayons de soleil tempérés par une brise légère, nous avons pu reprendre le chemin de la maison, d'un pas aussi léger que ce bon repas... et que mes nouvelles chaussures.

La Galerie, 9 rue de l'Horloge, 35000 Rennes 02 99 79 30 67
Le Nabuchodonosor, 12 r Hoche, 35000 Rennes 02 99 27 07 58
Le Boudoir, 11 r Jules Simon 35000 Rennes 02 99 79 06 19 (c'est également un salon de thé)

Posté par G.

dimanche 1 avril 2007

Du touron aux macarons, maison Pariès et maison Adam, Saint Jean de Luz, goûter du Jeudi 22 Février 2007

Lorsque j'étais petit, quand ma grand-mère et moi avions terminé promenade et emplettes dans le centre de Bayonne, nous passions par la rue du Port Neuf ou par la rue Victor Hugo pour déboucher invariablement sur la place de la Liberté, où, en bordure de la Nive, se trouvait l'arrêt du bus qui nous ramenait à la maison. Tandis que le soleil déclinait, je contemplais toujours avec un peu d'ennui, par delà la confluence de la Nive dans l'Adour, les arches de pierre du pont Saint Esprit. Je n'aimais guère cette perspective, si majestueuse soit-elle, car, outre la mélancolie de ces fins de journée, le pont Saint-Esprit représentait pour moi le chemin qui menait à la gare, soit le lieu maudit d'où je devais quitter, dans un arrachement, ce temps heureux de mes vacances.
De l'époque, je ne me souviens que de quelques salons de thé rue du Port Neuf, et ce n'est effectivement qu'en 2002 que la maison Pariès s'y est installée. Pourtant, je connaissais déjà les boîtes si caractéristiques des mouchous, dessinées par Ramiro Arrue ; si je cherche bien, je peux encore aujourd'hui revoir l'image d'une de ces boîtes, posée sur la grande table de formica rouge de la cuisine de ma grand-mère, ouverte et comme offerte à ma gourmandise. Je crois bien que les mouchous étaient un cadeau assez classique que faisaient les invités de passage, mais là dessus, rien n'est tout à fait certain.
Ce n'est donc pas tout à fait par hasard que nous avons fait escale à la maison Pariès à Saint-Jean de Luz, ce jour-là, bien que ma mémoire, sur l'instant, ne m'ait pas encore ramené tous ces bonnes raisons de s'y arrêter. Ce jour de Février, il faisait un temps franchement estival, et nous n'avions pas du tout envie de nous enfermer dans un restaurant pour y déjeuner. Malheureusement, le front de mer avec son Casino de la Pergola dessiné en 1927-28 par Mallet Stevens mais un peu modifié depuis semble-t-il, ne laisse pas beaucoup de place aux petites gargottes où déguster salade ou poisson grillé, il faut aller sur l'arrière, du côté du port, et nous ne pouvions renoncer à l'envie de contempler la mer d'un bleu transparent.
Un peu dépités donc, nous nous sommes résolus à nous passer de déjeuner, et pour compenser cette frustration, à nous munir de quelques douceurs à déguster sur le sable.
Il faut reconnaître qu'en venant à Saint Jean de Luz, outre le plaisir de la promenade, nous avions une autre petite idée derrière la tête. Nous n'avions en effet pas manqué de lire le dossier du magazine Régal numéro 1 consacré aux macarons artisanaux en France ; cette lecture nous suggérant que la prochaine fois que nous irions séjourner à Biarritz, où nous savions que nos pas d'amoureux nous ramèneraient tôt ou tard, nous pourrions faire une petite escale à la maison Adam qui vend ses macarons dans de si jolies boîtes.
Au final, l'après-midi passée sur la plage de Saint-Jean-de-Luz avec Patoumi, sous un soleil caniculaire, a été l'occasion, entre autres plaisirs, de comparer les talents respectifs de ces deux maisons.
Pour commencer, le gâteau basque. Le premier que j'ai goûté est celui de la maison Pariès. Une croûte à la fois ferme et moelleuse, croquante et bien sablée, sans pour autant partir en miettes, renferme un crème onctueuse, ferme sans être sèche, au bon goût d'amande, ni trop discret, ni trop prononcé. La crème est abondante, l'ensemble est harmonieux entre le croquant et le crémeux, pas trop sucré. Je ne demande rien d'autre à un gâteau basque.
Quelques minutes plus tard, je goûte celui de la maison Adam. Et là, déception : j'ai envie d'en manger un autre de chez Pariès. La croute est bonne, rien à redire. Par contre la crème est épaisse, un peu pâteuse ou gélatineuse, et surtout, il y a de l'arnaque dans l'air. La photo est éloquente, je n'en dis pas plus. Enfin, ce n'est peut-être qu'un coup de malchance.
Pour cette fois, la maison Pariès remporte donc haut la main la victoire avec son délicieux gâteau basque.
Deuxième étape, le touron. J'ai acheté chez Pariès du touron au coco, et chez Adam du touron au citron. De ce côté-là, la tendance s'inverse radicalement : le touron au coco est beaucoup, beaucoup trop sucré, et surtout, je cherche le coco désespérément mais je ne trouve, au nez comme aux papilles, que sucre, sucre et goût de pâte d'amande sucrée.
En revanche, celui de la maison Adam tient la route ; le goût de citron est bien présent, plutôt côté zeste que côté pulpe, mais cette saveur-là s'accorde plutôt bien avec la saveur d'amande qui fait la base du touron. A mon goût l'ensemble est un petit peu trop sucré cependant.
Je note qu'en ce qui concerne le format, celui de la maison Pariès est deux fois plus grand, mais le prix est en rapport. Je déplore cependant d'avoir à finir un grand touron pas bon...
Côté touron, la palme revient donc sans conteste à la maison Adam, bien que ce ne soit pas le meilleur que j'aie mangé, mais celà tient peut-être au parfum choisi.
Enfin les macarons. Là, il n'y aura pas de vainqueur : d'une part les deux sont délicieux, et d'autre part ils sont si différents qu'ils ne me semblent pas vraiment comparables.
Le mouchou (baiser, en basque) est donc une sorte de macaron blanc d'aspect assez semblable à ceux qui se font de nos jours, avec deux coques à l'amande, soudées par de la pâte d'amande nature. Le biscuit est globalement souple, donc pas croquant, et cependant pas mou du tout. C'est moelleux, c'est fondant, le coeur de pâte d'amande a ce côté souple et un peu poudreux de la bonne pâte d'amande, ce n'est pas trop sucré. J'aime beaucoup. Cependant, il faut être un amateur de pâte d'amande, ce que je suis, parce que sinon je ne vois pas comment ça pourrait plaire. Petite précision : c'est assez consistant, on en mange un, et c'est bien.
Les macarons Adam n'ont pas grand chose à voir avec les macarons des patissiers contemporains. Ils sont constitués d'une seule coque à l'amande, cuite sur plaque, donc bombés dessus et légèrement craquelés, et plats dessous. Quand on croque, c'est exquis : la coque est bien craquante, le coeur parfaitement moelleux et fondant. La saveur de pâte d'amande n'est pas trop présente, si bien que Patoumi qui n'aime pas la pâte d'amande a adoré. Pas trop sucré, pas la moindre amertume, on en mangerait la boîte sans même sans apercevoir. Et avec le café... Miam.
Je conclus donc que les deux maisons valent le détour, et désormais, je saurais quoi y choisir. Mais j'oubliais : il y reste encore d'autres spécialités à goûter...

Posté par G.

dimanche 25 mars 2007

Le May, Toulouse, dîner du Lundi 19 Février 2007

Depuis l'église Saint Sernin descend une sorte de long toboggan qui s'enfonce dans les profondeurs de Toulouse, dont on peut suivre naturellement la pente rectiligne en empruntant la rue du Taur, puis en traversant tout droit la place du Capitole, et en plongeant ensuite dans la rue Saint Rome. Si l'on n'y prend garde, les pas suivent imperturbablement cette ligne glissante et peuvent mener, sans que l'on ait à tourner ou rencontrer un quelconque obstacle jusqu'au... périphérique extérieur. Pour qui aurait le pas leste et saurait faire preuve d'un peu de distraction, il suffirait d'une heure et de quelques quatre kilomètres pour échouer finalement là, arrêté par un bain, disons... de gaz d'échappement.
Bien qu'assez ignorants de la géographie toulousaine, nos pas nous ont heureusement arrêté avant cette destination peu propice à nous procurer les plaisirs recherchés, soit des réjouissances gustatives. Ce qui ne nous a pas empêché d'aller fort avant le long de cette voie glissante à la recherche d'un restaurant, le soir de notre arrivée dans la ville, après avoir visité l'admirable musée Georges Labit.
Je ne peux pas véritablement dire que la tâche de trouver une bonne table ce soir là nous a été facile. La ville semble réticente à livrer ses secrets sur le délicat sujet de la gastronomie. Aucune enseigne ni aucune carte n'est parvenue à nous taper dans l'oeil, et ce n'est pas faute d'avoir, une fois extraits de l'axe dont je parlais à l'instant, tourné assez longuement dans les ruelles nocturnes.
Si je retiens trois lieux où nous avons failli manger, je citerai un indien qui présentait une carte assez originale, comportant -du jamais vu pour moi en dehors de mon séjour à Katmandou- des plats népalais. Mais depuis qu'une personne de notre connaissance a trouvé un cafard mort dans l'assiette d'un restaurant indien où nous avions plus ou moins nos habitudes (l'India), nous avons quelque réticence à manger des plats indiens ailleurs qu'à la maison, et Patoumi, dont la mémoire ne défaille jamais, n'a pas manqué de me rappeler, malgré l'humidité glacée de la nuit, ce fait d'importance. L'effet dissuasif fut immédiat. En parcourant encore la ville nous eûmes la surprise de nous apercevoir que tous les restaurants indiens environnants présentaient la même carte avec, chose encore plus étonnante, exactement le même descriptif des plats et du pays dont ils étaient originaires. Un seul et même propriétaire détenait-il le monopole de ces restaurants, où une usine de menus faisait-elle des prix de gros tellement intéressants que les cuisiniers s'alignaient sur ces cartes au lieu de les créer par eux-mêmes, je ne sais. Quoi qu'il en soit, ceci nous a, de ce côté-là, évité des regrets superflus.
On ne peut pas en dire autant du restaurant coréen (le Yo) que nous avons croisé place de l'église de la Dalbade. Sa carte a su nous allécher, avec son bibimbab, son bulgogi et ses sautés, mais surtout nous désespérer, puisque nous avons trouvé porte close les deux soirs de notre séjour.
Autre déception, un restaurant thaï (le Baan Siam), dont l'aimable sourire de la serveuse qui n'osait pas nous dire que notre cause était désespérée, autrement dit que son alléchant restaurant était bel et bien complet, n'a pas réussi à effacer notre regret de n'avoir pas goûté leur cuisine.
En fin de compte et non sans tergiversations, nous avons fini par faire escale au May, lassés de tourner en rond, et de nous retrouver inlassablement à descendre et remonter ce toboggan dont la monotone linéarité commençait à fatiguer nos yeux, et surtout nos pieds.
Bien que nos deux amoureux aventuriers y soient entrés fatigués, affamés, voire déprimés, ils en sont sortis le sourire aux lèvres. Pourquoi ?
Le cadre est assez chaleureux, plutôt simple ; objets hétéroclites, affiches et tableaux habillent les murs. Serveur et serveuse sont aimables, souriants et efficaces tout en restant discrets. Les toilettes sont propres, il ne faut pas être immense mais il ne manque rien (genre savon et essuie main jetable). Et surtout : c'est quand même franchement bon marché.
Les plats semblaient très (trop) classiques sur la carte, et nous avons été surpris car nous avions choisi nos plats sans trop de conviction. Pour ma part, mon choix s'est porté sur le Dos de colin à la provençale. La cuisson du poisson est parfaite, juste ce qu'il faut de fermeté et de fondant. Son habillage à la provençale est bien relevé, thym, laurier, huile d'olive se combinant avec équilibre aux tomates concassées. La surprise réside particulièrement dans l'accompagnement, annoncé comme une purée de carotte-brocolis ainsi qu'une petite mijotée d'endives. En vérité, l'un comme l'autre de ces accompagnements ne laissait que peu dévoiler leurs matières premières, étant dominé chacun et différemment par un bouquet d'épices très harmonieux -que je n'ai malheureusement pas réussi à identifier avec précision. Il semble que le cuisinier, qui porte un prénom semble-t-il moyen-oriental ou du maghreb (?), a su apporter à sa cuisine plutôt de tradition française la petite touche de par chez lui qui rend l'assiette vraiment originale. La brochette d'agneau aux épices de... (prénom du cuisinier) qu'a choisie Patoumi, révèle des saveurs marquées et subtiles, également venues, à ce qu'il m'a paru, de par là bas, et se décline avec le même accompagnement que mon plat.
Pour le dessert, la tarte banane-chocolat, très classique, n'a renversé personne mais s'est laissée manger avec plaisir dans la suite des plats. J'ai malheureusement avalé son terroir avec le contenu de mon verre de vin, donc je ne peux rien en dire.
Nous sommes sortis rassérénés et rassasiés, prêts à affronter la remontée du toboggan pour rejoindre notre hôtel situé derrière la belle église Saint Sernin.

Le May, 4 rue du May 31000 Toulouse 05 61 23 98 76
Le Yo, 3 rue Henri Gorsse 31000 Toulouse 05 62 17 09 28
Le Baan Siam, 12 rue Maletache 31000 Toulouse 05 62 26 53 03
Et l'India, 41 rue Saint Georges 35000 Rennes -pour s'éviter le cafard...

Posté par G.

samedi 17 mars 2007

L'atelier des gourmets, Rennes, dîner du Mardi 6 Mars 2007

Celui qui descend du marché des Lices pour s'engouffrer dans la rue Nantaise plein d'entrain à l'idée d'y découvrir d'appétissants restaurants sera peut-être un peu rebuté de prime abord, quand son regard aura croisé celui de la vitrine de l'association Raoul Follereau qui ouvre la perspective de la rue. J'ai écris malgré moi celui de la vitrine, et il n'y a pas plus exact. Car c'est véritablement un regard que l'on croise quand on en examine la devanture, un regard glaçant, un regard parfaitement scandaleux pour tout dire, qui vous rappelle qu'en 2007 il faut encore que des gens se battent contre cette maladie parfaitement curable qu'est la lèpre, alors qu'on devrait depuis des décennies ne plus en entendre parler, comme c'est le cas de la variole par exemple. Si cette évocation apparait de mauvais goût dans un billet à vocation gastronomique, je dirai que le véritable mauvais goût sera celui que prendra le poulet Vindaloo ou l'agneau Roganjosh sur les papilles du touriste naïf qui, visitant une Inde un peu trop idéale, n'aura pu éviter de croiser un regard sembable à ceux que j'évoque. Cette petite leçon de morale, ce n'est pas moi qui la fait, c'est, en vertu du hasard du monde, la rue elle-même, à qui prête attention à ce qui l'entoure. Si je la retranscris ici, c'est qu'elle m'a frappé toutes les fois que je suis passé par ce bout de chemin, et ce peut-être d'autant plus que la première fois qu'elle me fut donnée, ce ne fut pas par cette simple image, mais par la réalité crue et tragique de quelques hommes croisés dans les venelles de Bénarès.
A quelques mètres de là, dans le même bâtiment, un contraste saisissant vous secoue en croisant la devanture de Le Guehennec. Nous n'y avons jamais mangé -quoiqu'il soit possible que les papilles y soient en fête- car là, ce sont les mirettes qui sont très en détresse : déluge de fausses boiseries aux tons clairs, nappes désespérement immaculées dont la patronne semble surveiller la blancheur, guettant vos doigts maladroits prêts à y renverser goutte ou miettes, atmosphère guindée-coincée, on songe aux pires significations du sous-titre La tradition. Peut-être un jour à l'occasion, à court d'idées pour un billet, pris d'un accès de témérité, Patoumi et G. se lanceront et affronteront le regard glacé et le foulard triste de madame, pour goûter les plats de monsieur.
Revenus sur l'autre rive, on croise successivement le Café Breton (où l'on n'hésitait pas à servir du porc cru à une femme enceinte, arguant que "c'est comme ça que ça se mange, madame", et où l'on vous invitait à partir à peine le dessert fini pour libérer la table, en échange d'un café gratis au comptoir -mais depuis les propriétaires ont changé, et je ne sais rien des nouveaux) ; la Cantine Délice (nous y avions plutôt bien mangé, il y a longtemps, mais si l'on se rappelle un billet antérieur, c'est elle qui fut responsable de l'abominable syndrôme de l'entrée-plat-dessert intégral, il faudrait donc y retourner, avec modération, pour juger à nouveau l'esprit clair) ; le Refuge, (restaurant savoyard qui ne nous paraît jamais de saison, allez savoir pourquoi) ; El Popoca, (restaurant tex-mex dont la mémorable pina colada fut un peu gâchée par des burritos un peu trop bourratos, et qui semble avoir eu depuis quelques soucis avec les normes d'hygiène, d'après quelques bruits). Et puis l'on arrive finalement à l'Atelier des Gourmets, notre destination.
Nous avions déjà tenté d'y dîner, par le passé, mais avions été refoulés faute de tables libres. Conséquence de cette déception d'un soir, un oubli de plusieurs mois. Puis un mot d'une collègue, me suggérant que l'excellent cuistot de l'Arsouille tenait en grande estime son confrère de l'Atelier, me mit la puce à l'oreille. Nous avons donc réservé, c'est ici indispensable.
Nous y avons mangé trois fois, et la troisième fut de trop. Les deux premières fois, emporté par l'émotion d'un dîner en amoureux, j'avais trouvé la première salle où on nous avait installé plutôt agréable, genre bistrot un peu campagne. La deuxième fois, je l'avais presque trouvé mignonne : nous étions au bord de la fenêtre, assis à une petite table tranquille dans un coin, avec vue sur la rue à travers des rideaux rayés. La troisième fois, on nous installe dans la deuxième salle, et là, tout simplement, c'est moche : des suspensions coniques de chez Confo laissent voir leur ampoule jaunie, la lumière crue dévoile le moindre comédon, et le grotesque du numéro de cabot du sommelier-serveur ne trouve plus la moindre ombre pour se soustraire à nos regards affligés. Je passe sur le papier peint, la vaisselle, le livre de cuisine posé sur la table dont les recettes laissent Patoumi atterrée ("un faux Ginette Mathiot où on fait des paupiettes farcies au pain").
Comme on le sait, nous prenons une entrée, deux plats, un dessert, deux verres de vin et une San Pellegrino, mais notre cabot nous demande encore comment il va faire son calcul sur les menus ! J'ai envie de lui rétorquer que je m'en tape, que c'est son affaire, mais je n'ai pas cette impolitesse et je lui dis de faire à sa convenance. Cette remarque nous avait déjà été assénée la dernière fois, mais à la fin du repas seulement, et l'extase dans laquelle j'étais plongé avait grandement facilité mon indulgence. Cette fois, pas de quartiers.
Passons à l'assiette.
En entrée, nous choisissons une Vinaigrette de coques et joues de porc, espuma d'oignons blancs. Nous souvenant des joues de porc du Saint Amour, nous ne pouvons qu'être tentés, bien que la petite note Ferran Adriesque de l'intitulé m'incite à me méfier un peu.
On nous amène donc un bocal de verre façon Le Parfait. Première déception donc : le bocal lui-même est un ersatz. Difficile de décrire le plat : les coques et les joues de porc sont en tout petits cubes, on ne distingue aucune différence de texture (ce qui aurait été intéressant, le moelleux un peu élastique des joues de porc versus la tendre fermeté des coques) ; le tout baigne dans une vinaigrette qui donne à l'ensemble un goût très prononcé de... pâté de tête. Bon, quant à la question de l'espuma... De mon espagnol de lycée, je n'ai pas oublié que espuma veut dire mousse ou, si l'on veut mettre une note de légereté, écume. Je suis un peu déçu de voir que le chef ici, qui ne fait d'ailleurs pas de cusine moléculaire, sacrifie à cette insupportable mode qui consiste à dénommer tout ce qu'on peut faire avec un siphon espuma. Quand à l'effet en bouche, c'est une crème d'oignon sans intérêt, sa légèreté est d'ailleurs très vite retombée sous les assauts de nos fourchettes, pour se méler à la vinaigrette en un liquide informe. Je ne donne pas cher de cette entrée.
Un mot sur le vin : j'ai choisi pour accompagner cette entrée un verre de Saint Nicolas de Bourgueil 2005 Les Rouillières de Frédéric Mabileau. Alors oui, c'est fruité, ça se boit, mais c'est tellement du Saint Nicolas de Bourgueil que j'ai l'impression d'avoir déjà bu ça partout ailleurs. A mon sens, un vin sans la moindre personnalité.
Pour ne pas avoir l'air de cracher dans la soupe, je veux tout de même dire deux mots de notre entrée de la fois précédente. Nous n'avions pas noté le détail, et ma mémoire me trahit, mais c'était une sorte d'effilochée de crabe à la crème d'avocat, avec une légère vinaigrette citronnée. L'accompagnait une petite cuillère surmontée d'une noix d'oeufs d'un poisson dont le nom nous échappe ainsi qu'un peu de roquette. Sans l'intitulé et plus de précision du souvenir, ça peut sembler banal, mais en vérité c'était parfait. Alors quoi ? Le cuisinier a-t-il perdu la tête, la main, ou plus simplement sa toque ? Voyons la suite.
Le plat : Patoumi a choisi la Palette de porc fumé, Chou fleur vanillé, Bouillon émulsionné. Décidément, il s'est acheté un siphon et il ne s'en remet pas. Patoumi a jugé et tranché : le bouillon est insipide alors qu'annoncé "très savoureux" , la palette est fibreuse et sèche, l'ensemble manque totalement de fraicheur, trop lourd et trop dense, et pour finir le chou-fleur était un peu amer. En résumé : pas agréable en bouche. Le meilleur dans l'assiette, note Patoumi, ce sont les rattes, parfaitement cuites et bien sucrées, mais bon, pas besoin d'aller au restaurant pour manger des rattes.
J'ai choisi pour ma part le Filet de cannette au four, Poire au safran, Sauce sangria. Je n'irai pas par quatre chemins : c'était froid, ou à peine tiède. La cannette eut été succulente probablement, car bien saignante, mais peut on parler d'une cuisson réussie quand il s'agit de sang froid ? La sauce sangria se résume à une sauce au vin, cependant assez légère et subtile, mais elle est froide et commence à coaguler dans l'assiette. Je suis bouh.
Pour accompagner ce désastre, un vin de pays de la Vicomté d'Aumelas, Domaine Haut-Blanville, Rive Gauche. Celui-là en revanche, me plait beaucoup. A la fois fruité et bien structuré, avec des arômes très riches, en particulier de réglisse, un délice. Mais il s'ennuie un peu tout seul, d'autant qu'il lorgne sur la cannette en se disant que bien chaude, elle aurait fait une compagne digne d'intérêt.
Notre plat de la dernière fois était un lapin confit dans un fin jus réduit, aussi irréprochable que l'entrée qui le précédait, accompagné d'une purée de panais et de topinambours sautés (le serveur, comme cette fois-ci, était tout fier de nous annoncer quels étaient ces légumes, comme si nous avions l'air assez nigauds pour n'en avoir même jamais entendu parler). L'intensité des regrets de nos papilles face au misérable échec de cette fois-ci n'ont d'égale que l'extase qui fut nôtre la fois précédente.
Pour finir cet enterrement, nous avons présenté nos condoléances à un Gavottin au caramel. C'étaient donc des gavottes sorties de la boite, avec entre chaque une couche de mousse à la vanille au goût limite industriel.
Nous étions tellement dégoûtés que nous n'avons pas pris de café, et je suis rentré manger, piteux, avec ma chère Patoumi, un petit suisse Malo nappé de sucre cristal, car pour parachever le tout... je n'étais pas même rassasié. Et pour cause, nous n'avions pas fini nos assiettes... Aurions-nous pris chacun entrée-plat-dessert, comme l'indélicatesse du serveur nous indiquait qu'il est plus convenable de faire, cela n'aurait donc pas changé grand chose : nous n'aurions fait, ce jour là, que redoubler nos déceptions.
Alors quoi ? Quelle est la cause de ce naufrage ? Absence, changement ou maladie du chef habituel ? Nouvelle carte pas rôdée ? Jour de malchance ? Je ne détiens, et ne détiendrai probablement jamais l'explication, mais il est certain qu'une telle expérience dissuade pour longtemps de se risquer à nouveau en de tels lieux.


L'atelier des Gourmets, 12 rue Nantaise, 02 99 67 53 84

Posté par G.

jeudi 15 mars 2007

D'un jeu de mots facile, ou comment s'épargner la détresse des papilles

Le chemin que nous empruntons pour sillonner les étals du marché des Lices varie d'un samedi à l'autre. Mais, au gré des saisons et des envies, certaines étapes demeurent ; et pour celles que nous avons besoin d'oublier un temps, nos pas finissent toujours, presque malgré nous, par les retrouver quelques semaines ou quelques mois plus tard. Au nombre des adresses qui connaissent notre bonne figure, on compte celle de Roland Lécrivain. Entre autres qualités, il est paraît-il le pionnier de la réutilisation en agriculture laitière de la Froment du Léon, une vache dont le lait particulièrement savoureux donne un beurre réputé. Comme avons l'incorrigible habitude de tout faire pour ne rien faire comme tout le monde, ce n'est pas de son beurre que nous nous régalons, mais de sa crème crue, un petit miracle, si onctueuse qu'une plume d'oie suffirait à la transformer en une chantilly d'une légèreté, d'un mousseux et d'un fondant absolument inégalables. Il fut un temps -qui reviendra, n'en doutons pas- où nous étions particulièrement friands de ses yaourts, accompagnés de sirop d'érable ou de butterscotch sauce par exemple. Leur principal attrait, outre leur fermeté soyeuse, est la fine couche de crème or pâle qui recouvre chacun d'eux ; sitôt goûtée l'on déplore qu'elle ait si vite disparu sous l'assaut de notre gourmandise. Bien que les vaches ne pondent pas encore d'oeufs, M. Lécrivain en vend, et ce sont souvent ceux-là que les petits doigts enchantés de Patoumi transforment en succulents gâteaux.
Sur le côté de cette première halle, où loge le temps du samedi matin M. Lécrivain, courent les étals des maraîchers biologiques. Si nous y faisons parfois halte au hasard pour acheter mâche, butternut ou potimarron, nous nous arrêtons surtout au stand de légumes biologiques de l'île de Batz, tenu par Bénédicte Menon. Outre de délicieux choux, verts ou fleur, on y trouve de beaux légumes rouges - oignons rouges et pommes de terres insulaires, à la chair ferme et sucrée -en saison nous ne repartons jamais du marché sans une livre de chaque.
Lorsqu'on suit la pente naturelle de la place des Lices, on se retrouve immanquablement au bas de la deuxième halle (M. Lécrivain se trouvant dans la première) plus particulièrement dévolue aux produits carnés. Immédiatement en contrebas de sa dernière porte, presque face à celle de l'hôtel des ventes se tient une dame dont j'ignore le nom, mais qui vend tout au long de l'année des herbes aromatiques. Nous venons surtout lui rendre visite au retour des beaux jours, car elle y vend des tomates cerises de toutes les couleurs, si douces -et pourtant bien fermes- que l'on saisit dans l'instant toute la légitimité de l'appartenance de la tomate à la catégorie fruits (ce dont les monstruosités pâles, acides et farineuses que l'on goûte parfois peuvent un temps faire douter). Cette dame offre également à la même saison un basilic très aromatique qui relève et orne volontiers nos plats et tartines.
Nous voilà donc en bas des Lices ; le marché se termine, peut-être évoquerai-je une autre fois d'autres étals que nous y fréquentons, mais pour l'heure, nous sommes arrivés à un carrefour qui a beaucoup compté pour moi il fut un temps, puisque se faisaient face, à l'époque et par un hasard étrange, l'appartement de Patoumi et le cabinet de mon psychanalyste. Ceci dans une époque reculée, avant qu'il ne nous soit devenu totalement impossible de se passer l'un de l'autre, et que nous décidions de nous installer en ce lieu d'où j'écris aujourd'hui, refuge feutré à la vue plus grandiose. Au bas de cet appartement antérieur dont nous ne croisons plus maintenant que la façade, se trouve encore une boulangerie (l'Artisan du pain) où nous faisons parfois un saut pour en ramener une boule campaillette dont la mie dense, fraîche et blanc cassé me ravit particulièrement -ceci étant une infidélité à notre habituelle Boulangerie Hoche. Si l'on n'est pas un lève-tôt, il est inutile de prétendre croquer cette mie le samedi au terme du marché, celle-ci étant depuis longtemps déjà épuisée quand approche l'heure de midi. L'autre dimension intéressante de ce carrefour est qu'il ouvre la rue Nantaise qui, outre le fait de rejoindre la tour Jehan Duchesne, est également un repaire de restaurateurs -pas tous très fréquentables il faut bien le dire. Plus d'éléments dans le prochain billet...

Roland Lécrivain, Marché des Lices, et Ferme du Haut-Bourg
35210 Combourtillé 02 99 97 50 31
Légumes Biologiques de l'île de Batz, Bénédicte Menon, Marché des Lices
L'artisan du pain 22 rue Nantaise 35000 Rennes 02 99 31 43 67

Posté par G.

dimanche 11 mars 2007

La Cave du Sommelier, un peu de notre vin quotidien

A la minute où j'écris ces lignes, une superbe volaille est en train de débuter son existence de poulet roti-mijoté, enveloppé dans notre cocotte rouge, elle même assoupie dans notre four. Il doit ce destin miraculeux à notre promenade virtuelle d'hier soir, au cours de laquelle notre route a croisé celle de Lili63 et sa très appétissante photo. Notre poulet à nous, s'il connaît également une cuisson de trois heures, préférera être accompagné de carottes et d'oignons, mon estomac encore un peu fragile de ses malheurs d'avant-hier préférant au citron et au thym des saveurs un peu plus neutres. Je reviens à l'instant de la rue Vasselot où je suis allé chercher, seul, puisque Patoumi sait faire preuve du sérieux qu'il faut, les produits nécessaires pour faire rempart à toute mélancolie, et pour réjouir nos papilles à notre festin de ce midi.
A la boucherie Au Boeuf Charolais, j'attends tranquillement, plein de contentement silencieux en constatant la maigre queue devant moi alors qu'il est dix heures, quand je sais le cauchemar qui m'aurait attendu, si j'ose dire, une heure plus tard. Même si à peine une dizaine de personnes, moi compris, attendent leur tour, je me trouve à l'extérieur de la boucherie, qui elle-même déborde sur la chaussée par une petite vitrine-rotisserie où des poulets, des filets de porc bien ficelés et des portions de lard caramélisent sous mes yeux dans une odeur capiteuse. Si pour certains il n'est pas besoin de faire sa viande soi-même, notre boucher a prévu pour lui tenir compagnie un gratin de courgettes et des pommes de terre sautées dont la robe luisante et dorée me laisse deviner qu'elles la doivent à un long bain de jus de roti. Tandis que je contemple ce spectacle avec presque de l'appétit alors que nous venons de petit-déjeuner, un monsieur aux airs de grand-père demande devant moi un "poulet chaud". Son "merci, ce sera tout" en réponse au "vous désirez autre chose ?" du boucher qui vient de saisir d'un geste preste la volaille croustillante, me déconcerte et je me retrouve dans l'instant identifié à lui ("merci, ce sera tout" étant la formule qu'en général j'emploie pour décliner les incitations à la consommation des commercants), m'imaginant à son âge, soit dans une quarantaine d'année, moi, papy G., désireux de jouir de jours paisibles avec Patoumi sans trop d'efforts à faire, en train donc de venir, comme aujourd'hui, chercher non pas un poulet à préparer mais un tout prêt que nous dégusterions sur notre balcon ensoleillé, commentant les va-et-vient des passants en sifflant une petite bouteille de vin de l'ardèche de l'année... 2047 ?
Après être passé rapidement par l'épicerie A la bonne fermière, pour me procurer les carottes et les oignons, bons compagnons de ma volaille (le boucher aura su me trouver "le plus petit de la basse cour", soit un poulet bien charnu d'un kilo deux, pour deux amoureux), ainsi que les tomates cerises Coeur de pigeon à envelopper de Mortadella Bologna pour l'apéritif de ce soir, je me dirige vers notre caviste préféré, la Cave du Sommelier.
Patoumi et moi aimons les commerçants souriants et accueillants ; c'est ainsi qu'est notre caviste, en plus d'être de bon conseil, et c'est pourquoi nous lui sommes fidèles. Si cela peut paraître une évidence, ça ne l'est pas pour tout le monde, et certainement pas pour tous les commerçants. Pas si loin de là où je contemple à l'instant ces jolies bouteilles, on trouve d'ailleurs un buraliste dont les propriétaires sont parmi les plus odieux qu'il m'ait été donné de rencontrer. C'etait un dimanche matin d'hiver, et je voulais me procurer un magazine dont le titre m'échappe aujourd'hui (Patoumi et sa mémoire extraordinaire s'en souviendrait sans nul doute, mais je ne veux pas l'interompre dans son travail). Sachant que ce marchand de journaux est ouvert, nous nous y rendons. Ce dimanche-là, il fait froid, je mets donc mon manteau à capuche. Grave erreur. Ne savais-je pas que le manteau à capuche est le signe auquel on reconnait le jeune, et que le jeune est un voleur, un délinquant, un drogué, j'en passe, a fortiori quand il est accompagné d'une immigrée ? Bref, à peine penché sur le magazine dont j'examine tout de même le sommaire avant de l'acheter, j'entends une voix éraillée et mugissante et je vois une grosse vache à la tignasse péroxydée, ravagée par l'âge et l'aigreur, fondre sur moi avec un "C'est pas une bibliothèque ici ! Vous achetez, ou vous partez !". Nous avons pris le parti de sortir, non sans cris et fureur comme réponse à cette harpie. Je n'ai finalement eu qu'une satisfaction, ne pas avoir augmenté le pécule de cette morue de quelques euros ; j'en ai une autre aujourd'hui, celle de signaler que la presse tabac La Joffrerie, 14 rue du Maréchal Joffre à l'angle de la rue Vasselot, est à proscrire de ses fréquentations, sous peine de soutenir des partisans de certaines orientations politiques que je ne citerai pas, par décence.
Mais tout ceci est bien loin maintenant, et me voilà en train d'interroger notre Sommelier. Patoumi et moi sommes plutôt amateurs de vins légers et fruités du Sud-Est ou de la Loire, et nous trouvons ici notre bonheur. Nous sommes, grâce à notre Cave et à quelques restos chez qui nous avons nos habitudes, comme L'Arsouille, plutôt familiers de personnages comme Hervé Souhaut (Rhône), Olivier Lemasson (Touraine), Catherine et Pierre Breton (Loire), René Jean Dard et François Ribo (Drôme/Rhône), Axel Prüfer (Hérault) etc. etc.
Mais aujourd'hui, il se trouve que je viens acheter un p'tit rouge pour la venue de ma mère, et qu'elle n'aime que les vins du Sud Ouest. Qu'importe ! Il saura me trouver un Buzet, qui j'espère fera son petit effet. Je n'en doute pas, mais quoi qu'il arrive, nous aurons toujours cette consolation d'ajouter une jolie bouteille à notre collection, puisqu'en plus d'être bons et naturels -et donc de laisser mon migrainomètre à des niveaux plutôt plus bas que la moyenne des vins-, nos viticulteurs savent aussi charmer le regard par les jolies étiquettes qui habillent ces bouteilles.

La Cave du Sommelier, 22 rue Vasselot, 35000 Rennes,
02 99 78 85 09
Au Boeuf Charolais, 22 rue Vasselot, 35000 Rennes,
02 99 79 16 30
A la Bonne Fermière 11 rue Vasselot, 35000 Rennes,
02 99 79 16 47


Posté par G.

dimanche 4 mars 2007

Le Saint Amour, Biarritz, dîner du Mercredi 21 Février 2007

A force de ne jamais manger à la maison, quand on est en vacances, on finit par ressentir un indéfinissable écoeurement à l'idée même de manger des plats préparés par quelqu'un d'autre que soi. Il ne s'agit pas tant d'un manque de talent de la part des cuisiniers -quoique trouver un bon restaurant en voyage puisse parfois tenir du pari impossible- mais plutôt d'un ras-le-bol qui vous saisit de tapisser midi et soir vos papilles du goût "restaurant". Je ne sais pas, cela tient peut-être à la nature des produits utilisés, ou des additifs éventuels, des épices, voire, il faut bien le dire, des sachets de sauce que l'on devine parfois derrière telle saveur un peu chimique.
Mais il y a peut-être autre chose : au bout d'un moment, on en a plein la bouche des machins surélaborés, travaillés, on a envie d'un goût basique, simple, un goût de popotte, de tambouille, un goût maison, en somme. Au sens de ce qu'on prépare le soir quand on a la flemme et qu'on a envie d'un truc chaud, réconfortant, facile à préparer.
D'une manière générale, Patoumi et moi préférons la cuisine ménage, le mijoté dans la casserole culottée, ou le bon produit simplement accommodé. Ce qui est, somme toute, pas si facile à trouver au restaurant. Alors parfois, au bout de quelques jours de vacances, G. et Patoumi en ont ras-le-bol, et ils se mettent à fantasmer très très fort... une saucisse-purée.
C'est ainsi que nous sommes arrivés un jour de détresse des papilles de l'an 2006, au Saint Amour. Car, croyez le ou pas, ce jour là, les dieux étaient avec nous, et notre rêve inespéré de saucisse purée se réalisa. Mais si.
On concevra aisément qu'à partir d'un voeu aussi improbable ainsi exaucé, nous avons gardé une certaine tendresse pour le Saint Amour. La première fois, après cette saucisse lyonnaise délectable (oui, c'est un restaurant lyonnais) et sa purée épaisse et onctueuse, nous avions dégusté des profiteroles.
Cette fois donc, un an plus tard, nous revoilà dans le même petit bistrot nickel aux murs décorés d'affiches d'expos parisiennes de peinture. Nous sommes dans la première salle -il y en a une deuxième en contrebas sur l'arrière qui semble destinée à des tablées moins intimes que celle qui nous est proposée. Goût du risque oblige, nous choisissons la même table que l'an passé, à côté d'une affiche de David Hamilton disons... discutable. La salle est clairsemée et la clientèle pour le moins variée, nous voilà bien au chaud dans ce petit coin tranquille et familier. Au milieu de la salle, un comptoir de bar derrière lequel des étagères de bois sombres supportent bouteilles de vins et verres à pied ; au zinc, Dominique et Jean-Pierre Sattin s'activent calmement mais efficacement pour le service.
L'incontournable ardoise nous mène à ne choisir que des entrées : cette fois, nous nous passerons de saucisse, de boudin ou d'andouille.

Nous avons tout partagé, soit les quatre entrées servies deux par deux et le dessert ; au moment où Mme Sattin déposait les plats sur la table, un coup d'oeil gourmand de notre part a suffi à lui faire saisir que nous allions partager ces petits plats, et son oeil tranquille s'est éclairé silencieusement d'un air de complicité à notre gourmandise. Patoumi et moi, bien que fins mangeurs, ne sommes pas de gros mangeurs au restaurant : en général, nous partageons entrée et dessert et choisissons chacun un plat. La dernière fois que nous avons succombé à la tentation de l'entrée-plat-dessert intégral, nous nous sommes débattus dans une lourde et douloureuse torpeur pendant près de quarante-huit heures au terme desquelles nous nous sommes dit : jamais plus. Depuis cette saine résolution, l'amabilité et la courtoisie raffinée de certains restaurateurs nous ont parfois réservé des coups d'oeil assassins qui disaient presque tout haut combien ces rustres en avaient mal à la bourse. D'où notre plaisir de constater que Mme Sattin saisit ce qu'est un dîner en amoureux, et ce que signifie manger selon sa faim.

Pour commencer, oeuf cocotte au jambon cru et aux cèpes. L'oeuf cocotte est un exercice périlleux : trop cru il est gluant, trop cuit il est desséché. La cuisson du jeune chef Lionel Elisalde est habile : proche de la texture de l'oeuf à la coque, le jaune est bien coulant, ce qui ravit Patoumi, amatrice de tels plaisirs. Pour ma part, j'aurais bien vu un blanc un tout petit peu plus cuit, ce qui aurait tiré l'ensemble vers un peu plus de fermeté que les cèpes, par nature, ne peuvent véritablement apporter (ils sont ici délicieux néanmoins), mais qui vient quand même par le jambon cru qui relève l'ensemble. Nous nous régalons des mouillettes bien croustillantes, et je laisse la roquette qui escorte le pot Le Parfait, à ma douce Patoumi.

La cassolette de joues de porc aux pommes de terre nouvelles est parfaite. Sautées à l'ail, pas grasses du tout, l'ail est bien fondu, je dirais qu'une pointe de vinaigre de vin a du pleuvoir en bruine pendant la cuisson, les petites rattes dans leur peau ont la fermeté qu'il faut. C'est excellent, rien à redire.

J'ai arrosé mon repas de deux verres de Saint-Amour. On va dire que c'est un p'tit vin qui s' boit bien. Il a su être un bon compagnon pour le repas, sans plus, sans moins.

La cassolette de gambas et fonds d'artichauts est également parfaite, bien sautée, saveurs simples, gambas très bien cuites, encore une pointe d'ail et d'herbes pour relever. L'accord entre la gambas et l'artichaut est inédit pour moi, et je gage que nos petites mains vont s'empresser de le reproduire une fois rentrés à la maison. Excellent.

Enfin la troisième cassolette fut de chipirons aux piments. Ferme et bien piquant, simplement pimenté, sans artifices superflus, c'est également irréprochable.

Honte sur moi, je n'ai aucun souvenir des toilettes, si ce n'est qu'elles sont propres. On pouvait s'y attendre.

Pour finir, apothéose. La panna cotta à l'orange. Vous me direz, rien de bien compliqué. Non, rien de bien compliqué d'une manière générale dans la cuisine du Saint-Amour, de prime abord. Mais il ne suffit pas de mettre des joues de porc ou des gambas dans une poêle pour faire ce que nous avons mangé, de même qu'il ne suffit pas d'additionner de la gélatine à de la crème pour faire une bonne panna cotta. Ici on devine que le chef a ses petits trucs à lui qui donnent à la simplicité de chaque plat une saveur parfaite, et surtout il maîtrise parfaitement les cuissons, talent qui fait défaut à bon nombre de chefs de restaurants dits gastronomiques.

Alors quel est le secret de cette panna cotta ? La base est une crème cuite simple à la juste consistance, servie dans une verrine, couverte, -voilà le secret- d'un confit d'écorce d'orange sur lequel fond un coulis de chocolat. C'est l'accord crème-orange-chocolat qui est renversant : l'accord chocolat-confit d'écorce est un parfait équilibre où le sucré et l'amertume s'équilibrent sans que l'un dominent l'autre (défaut qui souvent me fait me méfier de ces deux-là ensemble), la fermeté de la crème et les petits morceaux d'orange compensent le moelleux coulant du confit et du coulis. Patoumi et moi avons donc plongé avec délices nos cuillères au fond de la verrine pour récolter les trois couches de ce dessert simple et subtil.

Je mets un 15 à ce repas, soit une très bonne note. Après ce repas, Patoumi et G. ont simplement descendu la rue, et, tournant à gauche jusqu'au Port vieux, sont allés contempler la mer déchainée fouetter les rochers déchiquetés à la lueur de la lune.

Le Saint Amour, 26 rue Gambetta, 64200 Biarritz, 05 59 24 19 64

Posté par G.

dimanche 25 février 2007

Al piccolo ristorante, Bayonne, dîner du Vendredi 23 Février 2007

L'après-midi, alors que nous passons rue d'Espagne, peu après avoir fait emplettes à la librairie l'Alinéa, Patoumi tombe en arrêt devant une enseigne de restaurant. Je lève les yeux : Al piccolo ristorante. Nous examinons la carte.
Deux heures plus tard, dans notre coquette chambre de l'hôtel Beaulieu, atermoiements : où manger ce soir ? C'est le dernier soir et, désespoir, nous avons deux restos en lice. Le Nem et son crispy pork, ses plats thaïs et khmers, et Al Piccolo Ristorante de tout à l'heure et sa verrine de caviar d'aubergine au pesto et grissini au jambon de Parme, ses conchiglie à la crème de poivron et au chèvre, ses penne rigate aux aubergines et aux cèpes, son tiramisu fruits rouges basilic et enfin son crumble banane-citron vert-caramel. Je rechigne intérieurement à prendre la voiture sous cette pluie battante pour aller jusqu'au centre de Bayonne alors que nous avons un restaurant à moins de 200 mètres, mais, c'est terrible, au fond, après interminables palabres sur les mérites comparés de la proximité du riz sauté et de l'éloignement dramatique des tagliatelles, nous avons l'un et l'autre un désir fou pour... des pâtes. Nous ne savons même pas si le resto est ouvert ce soir, trouver une place rique de relever de l'exploit, je songe à l'aqua planning qui menace les frêles roues de ma 106 dans la tempête qui s'annonce, et dont témoignent les lames monstrueuses qui ravagent les rochers à nos pieds, mais non, il n'y a rien qui puisse lutter contre notre envie de pâtes ; je vois des conchighlie dégoulinantes de sauce onctueuse ruisseler dans le regard de Patoumi. Projection de ma part ou débordement du désir de Patoumi ? Peu importe, nous sommes décidés. Nous démarrons.
On imaginera sans peine l'inquiétude de Patoumi et G. tout au long du chemin, devant la perspective d'un possible flop : porte close, averse, jeans trempés, sans compter la faim et la route à faire pour revenir piteux et mouillés au Nem.
Mais non. Nous voilà dans un charmant petit espace aux boiseries rouge sombre et au crépis jaune soleil, assis sur de petites chaises de bois avec devant nous, une nappe basquo-bayadère et une ardoise chargée de petits mots doux aux consonnances italiennes.
Pour ma part, j'ai craqué pour la verrine sus-citée. La base est une alternance de couches de caviar d'aubergine et d'une sorte de pesto à base de tomates sechées et je présume, de crème fraîche. Entre ces couches se promènent de petits morceaux de tomates séchées, de mozzarella et de basilic. L'effet est parfaitement réussi, bien relevé, onctueux sans être gras, plutôt sur la fraîcheur et une pointe d'acidité. Pour la tempérer, les deux petits gressins qui surplombent l'assemblage sont enveloppés comme de petits flambeaux par du jambon de Parme, association subtile qui donne du croquant et du salé sur la souplesse et le crémeux de la verrine. Très réussi.
Je passe sur le verre de Lacrima Christi que je tenterai d'oublier tout au long du repas au moyen de ma San Pellegrino : parti sur un arome un peu -comment dire ?- comme de moisi ou de pipi de souris (non, je n'y vais pas avec le dos de la cuillère!) son séjour dans mon verre l'a révélé être simplement plat, fade et inintéressant. Aucun intérêt de ce côté là, voire tout au plus une pointe de déplaisir.
Patoumi quant à elle a eu la bonne idée de choisir un velouté de carottes au gingembre et au pain d'épices. De prime abord, superbe. Quoi, une soupe, superbe ? Parfaitement, car servie -je suis un peu obsédé par la vaisselle en ce moment- dans un petit bol carré en porcelaine blanche, avec de minuscules anses japonisantes -mignon comme tout. Sur la petite assiette coordonnée ou repose ce petit bijou de vaisselle, de petits cubes de pain d'épice façon croutons. Le velouté est succulent : onctueux, bien relevé -le gingembre est discret- dominent la carotte et le pain d'épice. L'écueil de l'écoeurant et du douceâtre qui menace l'association carotte-pain d'épice est magistralement évité. Nous sommes aux anges avec nos deux entrées.
Petite pause toilettes. On pensera ce qu'on voudra d'une évocation de pause pipi au milieu d'un repas, mais l'équation toilettes pourries=resto pourri étant de longue date une équation vérifiée et vérifiable je me permets d'en dire deux mots. (Certes, certes, il y a des exceptions à cette équation, je détaillerais les diverses variantes du théorème des toilettes de resto dans les prochains messages, soit par l'expérience) . D'autant que ici, on peut dire que l'équation toilettes est pour le moins particulière. Pas qu'il y ait quoi que ce soit à redire sur leur propreté : elles sont nickel, mieux : elles sont neuves. Bleues et jaunes, si l'on veut savoir, ce qui fait un pendant charmant et frais à la chaleur des rouges et jaunes piquants et pimpants de la salle (quel voyage !). Mais avant de les atteindre, il faut traverser pas moins que la cuisine, et la remise. Ce qui fait, effet qui n'est pas des plus heureux, que l'on voit les matières premières utilisées (des feuilles de lasagnes Panzani par exemple) et que l'on se lave les mains dans la cuisine, à côté de la casserole de velouté de carottes. Rassurez vous, tout ceci est d'une propreté irréprochable, et comme la cuisine est excellente, on pardonne volontiers que les produits ne soient pas des plus luxueux (les prix à la carte sont à l'avenant). Si je n'avais pas vu, peut-être n'aurais-je pas (tout) deviné ?
J'ai longuement hésité avant de choisir l'osso bucco, puisque, comme chacun sait, de par sa maîtrise de l'oeuvre de Laura Zavan, Patoumi est une experte en osso bucco. Je l'ai finalement choisi puisque ici il est alla Genovese, c'est à dire al tonno, le thon étant ici une alternative aux anchois qui a excité ma curiosité. Réussi, pour le moins. Bien fondus, les légumes sont bien relevés. Le thon ne se sent pas, mais en même temps il ne donne pas le caractère que les anchois confèrent au plat. La viande est bien cuite, mais une petite heure de plus n'aurait pas déparé pour sa tendreté sous ma dent. Bon, les pâtes, je ne les ai pas vues dans la réserve, mais on goûte bien que ce ne sont ni des Barilla, ni des De Cecco. Ce qui ne constitue pas franchement une gêne majeure, puisque la dominante est sur veau et légumes. Patoumi m'assure que ce sont des linguine, et moi je l'assure que je préfère son osso bucco à elle, bien que je me régale avec celui-ci. Un type dans la salle nous laisse entendre un "C'est meilleur que chez ma mère". Ca parle tout seul.
Pour finir, bien que Patoumi ait eu une certaine réticence car elle avait vu préparer ce dessert avec des matières premières, disons, de grossiste en alimentation (le riz soufflé et la chantilly, en tous cas), nous avons choisi le Capuccino au chocolat au lait. Oui, Patoumi a vu, parce qu'on voit en permanence ce qui se passe dans la cuisine, vu que seul un demi rideau sépare la salle de la cuisine. Ce dessert n'a à vrai dire de cappucino que le nom. En vérité, c'est une gelée au café (j'imagine, gélatine plus café soluble) surmontée d'une mousse au chocolat au lait (à base de crème fouettée, pas d'oeufs), avec entre chaque couche les fameux grains de riz soufflé, et un topping de chantilly. C'est très bon, ça fait penser à des verrines que Patoumi avait préparé en s'inspirant d'une recette de Laurent Schott -mais dans sa recette c'est mousse chocolat sur gelée de fruits-, ici les fruits remplacés par le café résonnent bien sur le chocolat au lait et le petit croc-croc du riz soufflé est du meilleur effet. Bien sûr j'aurais préféré une chantilly maison mais je concède qu'une crème crue battue dans un frigo de resto, c'est pas commode.
Bref, nous nous sommes régalés, pour un prix somme toute très correct, qu'ils peuvent proposer, on le sait maintenant, du fait des matières premières que la qualité de la préparation parvient bien à rattrapper. Je mets 13 sur 20, ce que je considère comme une bonne note.

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Posté par G.